Socialisme à géométrie variable…

Le parlementaire socialiste Roger Nordmann a déposé une motion proposant la possibilité d’augmenter les taxes d’études pour les étudiant-e-s résidant à l’étrangers/ères. Pour celles et ceux résidant en Suisse, ce sera indéxé à l’inflation. Chantera-t-il encore l’(Inter)nationale?

 

Ces derniers mois, la question des taxes d’études a occupé le devant de la scène dans le petit monde de la politique de la formation et même au-delà. Dans ce contexte, la réponse du Conseil d’Etat vaudois, stipulant qu’il n’y aurait pas d’augmentation des taxes à l’Unil, ni dans les HES, a été accueillie avec soulagement. Nous avons même failli nous réjouir lorsque nous avons lu que le Conseil des EPF suspendait sa décision d’augmenter les taxes d’études. Puis, la nouvelle est tombée: une motion, proposant la possibilité de l’augmentation des taxes pour les seul-e-s étrangers/ères, était déposée.

La question du traitement différencié des étudiant-e-s domicilié-e-s en Suisse et de celles/ceux domicilié-e-s à l’étranger n’est pas franchement nouvelle. Dans un article paru dans le 24 heures du 2 décembre 2010, des parlementaires UDC estimaient qu’il fallait limiter le nombre d’étudiant-e-s étrangers/ères afin de maintenir le niveau des hautes écoles helvétiques… Les moyens évoqués dans l’article étaient le contingentement et les examens d’admission. De l’autre côté de l’échiquier politique, le conseiller national Mathias Reynard (qui soutient aujourd’hui la motion Nordmann) proposait en 2012 de plafonner les taxes d’études des EPF à 650.-, sans aucune différenciation basée sur le pays de résidence.

Renversement de situation il y a quelques jours. Roger Nordmann propose une différenciation de traitement entre les étudiant-e-s en fonction de leur domicile légal. Cette différenciation se fera-t-elle, comme cela a déjà été proposé, sur la base d’un test scolaire (auquel la FAE serait de toute façon opposée)? Pas du tout! Le socialiste n’a rien trouvé de mieux que de proposer une différenciation par les taxes. En gros, un-e étudiant-e domicilié-e à l’étranger paiera plus parce que ses parents ne paient pas leurs impôts en Suisse. Un autre argument, évoqué par la socialiste Géraldine Savary, interviewée par la RTS, laisse également pantois: «Les [étudiants] suisses, lorsqu’ils suivent des formations à l’étranger, doivent aussi, dans certaines écoles, payer des taxes qui sont largement supérieures à ce qui va être proposé. Donc, de ce point de vue-là, on est vraiment dans un rapport juste […]».

Prétendre avoir des projets d’avenir et se soucier d’équité sociale et concocter des propositions basées sur des calculs d’épicier et des arguments du type : «Si l’autre le fait, j’ai le droit aussi», c’est ne pas craindre le paradoxe. C’est aussi aborder la question de l’articulation entre le pays et le reste du monde, et plus particulièrement l’Europe, de la mauvaise manière. Si chaque université doit conserver son originalité et ses spécificités, s’il ne faut pas céder à l’uniformisation, il est essentiel de garantir la possibilité d’étudier dans l’université que l’on choisit. Malheureusement, le risque est grand d’assister au phénomène exactement inverse: des universités aux programmes identiques se distinguant par leur prix pour des raisons de politique intérieure.

Lors de son Assemblée des délégué-e-s du 6 mars, la FAE s’est clairement prononcée contre une différenciation entre les étudiant-e-s domicilié-e-s en Suisse et ceux/celles qui ne le sont pas. C’est à ce titre que j’écris ces quelques lignes; pour dénoncer une mesure myope qui aura pour seul effet de réduire plus encore l’accès aux universités suisses (pour les personnes domiciliées à l’étranger) aux classes socioéconomiques privilégiées.

JB

A lire :

La prise de position de l’AGEPoly

http://www.cuae.ch/v2/?p=2280