Discours de la FAE pour la grève des femmes* du 14 juin 2019

« Ah…encore une grève… »
« Mais, toi tu te sens vraiment discriminée aujourd’hui en tant que femme ? »
« Je ne suis pas féministe, mais je suis pour l’égalité homme-femme »

… Ça vous rappelle quelque chose ? Vous avez déjà entendu un homme vous dire ça ? Vous avez déjà entendu une femme vous dire ça ?

Malheureusement, être « féministe » semble toujours être stigmatisé dans notre société. Mais alors, qu’est-ce que le féminisme ?

Être féministe, c’est croire que les femmes ont les mêmes droits que les hommes. C’est croire que nous devrions avoir :
La même place dans la société
Les mêmes possibilités de carrière
Les mêmes salaires
Le même droit à disposer de son corps
Les mêmes libertés dans la manière de s’habiller

Mais, être féministe c’est aussi se dire qu’on devrait :
Pouvoir rentrer de soirée sans se faire siffler
Avoir le droit d’être énervée sans pour autant être émotionnelle ou avoir nos règles
Qu’on ne nous demande pas si on l’avait « quand même pas un peu cherché » lorsqu’on se fait harceler, voire même violer.

Finalement, c’est exiger de pouvoir voir qui on veut, avorter si on veut, se marier si on veut, et avec qui on veut !

…Alors, Toujours pas féministe ?  …

***

Aujourd’hui, je parle ici en tant que femme, mais plus spécifiquement en tant que déléguée à la Fédération des associations d’étudiant.e.s, la FAE. En ce jour de grève, nous souhaitions être présents pour exiger avec vous toutes, encore une fois, notre place dans l’espace public et politique, la valorisation de notre travail, l’égalité des salaires, la liberté de nos choix ou encore un environnement de travail et d’études sûrs.

En tant qu’étudiantes, et même en tant qu’universitaires, nous ne sommes pas à l’abri du sexisme, des discriminations ou des violences.
Lorsqu’à la FAE, on a commencé à travailler sur le sujet du harcèlement sexuel sur le campus, on a pu entendre que l’université était un lieu sûr pour les femmes et qu’il n’y avait « pas de problème ». C’est pourtant plus de 2’000 étudiantes et étudiants qui ont souhaité répondre à notre sondage, et qui nous ont montré que oui, on peut aussi être harcelé.e, attouché.e, humilié.e sur le campus. Comme quoi, si on veut bien écouter, il y a pas mal de choses à entendre…

Tout d’abord, parce que nous ne sommes pas salarié.e.s, tout cas d’abus, de harcèlement sexuel ou autre sur le campus étaient jusqu’à très récemment extrêmement peu règlementés. Il y avait une sorte de zone grise, relativement invisible de la question estudiantine, dont personne ne semblait vraiment vouloir s’occuper.

En ce début d’année 2019, suite aux pressions et au travail de groupes engagés pour la cause et d’actions semi-individuelles, la Direction s’est finalement dotée de la nouvelle directive 0.4, incluant les étudiant.e.s dans ses mesures de prises en charges et de « Promotion de l’égalité ». Un bon début, même si cette directive ne suffira pas.

Je vous propose de vous imaginer un instant que vous êtes une étudiante ayant subi une agression sexuelle sur le campus de l’Unil.
*Pour des raisons d’anonymat, ce passage concernant l’expérience personnelle d’agression sexuelle d’une étudiante et le manque de prise en charge ayant suivi est ici masqué. *

Mais mon cas n’est qu’un exemple parmi tant d’autres et si j’ai pris la peine de raconter cette histoire, c’est au nom de toutes celles qui n’ont pas pu être entendues. C’est aussi pour demander une réelle prise de conscience du travail qui nous attend encore et pour que les étudiantes actuelles ne soient plus des victimes autant des agresseurs que des institutions qui les poussent au silence.

En 2019, il est inacceptable que les personnes demandant de l’aide après une agression ou une situation de harcèlement ne soient pas prises en considération, écoutées, rassurées. Il est inacceptable que ces personnes puissent encore être ignorées, culpabilisées, ou honteuses d’avoir osé se plaindre « car il y a pire ailleurs ».

***

Aujourd’hui les étudiantes et les étudiants attendent de l’Université de Lausanne qu’elle joue pleinement son rôle essentiel de formatrice des employé.e.s et employeurs/euses de demain. Cela passe par un positionnement précurseur sur les questions de prise en charge des cas de violences sexuelles par des spécialistes. Mais cela passe aussi par le soutien des étudiantes, plus nombreuses que les étudiants du bachelor au doctorat, pour enfin maintenir cette présence dans les postes professoraux, dans les postes dirigeants, ainsi que sur la place publique et politique.

Je reviens enfin à cette phrase citée en début de discours « encore une grève… ». Oui c’est vrai, encore une. En 1981, l’égalité était inscrite dans la Constitution fédérale. Le 14 juin 1991, 10 ans plus tard- j’avais un mois-, nos mère, nos grand-mères et 500’000 autres personnes faisaient la grève pour leurs droits. Aujourd’hui, 28 ans plus tard, force est de constater que nos revendications n’ont que peu changé. Alors, croyez-nous bien, ce n’est pas de gaieté de cœur que nous continuons à nous battre, mais tant que nous ne serons pas suffisamment entendues, ou que nos droits seront menacés, oui, il y aura « encore une grève ».

J’ai un dernier chiffre à vous donner : à la FAE, où l’on s’engage pour les droits et intérêts des étudiantes et des étudiants, il n’y a que deux femmes sur neuf membres au Bureau exécutif. Le législatif a voté et des quotas ont été instaurés pour nous forcer à trouver des solutions. Ainsi, des places sont laissées vacantes faute de femmes, alors que les hommes sont sur liste d’attente pour rejoindre l’assemblée. Alors Mesdames, on vous attend.

Note du Bureau exécutif de la FAE: Tous nos remerciements à l’étudiante ayant accepté avec enthousiasme et engagement de prendre la parole pour la FAE lors de la journée du 14 juin.